Claude Béata, psychiatre vétérinaire répond à vos questions.
Dans cet article exclusif, le Docteur Claude Béata, psychiatre vétérinaire reconnu internationalement et pionnier de la médecine comportementale en France, nous révèle :
- Comment les chiens peuvent reconnaître jusqu’à 1000 mots différents
- Pourquoi les compliments stimulent les zones cérébrales liées au plaisir chez votre animal
- Les conséquences neurologiques des paroles négatives sur votre compagnon à quatre pattes
- Les différences fondamentales entre chiens et chats dans leur perception de vos mots
Auteur des best-seller « Au risque d’aimer » et « La Folie des Chats » (Éditions O. Jacob, 2013 et 2022), le Dr Béata s’appuie sur les dernières découvertes en neurosciences animales pour transformer votre relation avec votre animal de compagnie grâce à une communication positive scientifiquement prouvée.


Qui n’aime pas les compliments ? Et pourquoi cela serait-il très différent chez nos animaux domestiques ? Il nous faut pourtant bien faire la différence entre les espèces sociales comme le chien, le cheval ou l’humain et les espèces comme l’espèce féline pour qui la relation n’est pas obligatoire
Est-ce que les compliments ont des effets (psycho/comportementaux...) sur les animaux ou est-ce que plutôt les mots ou les intonations qui importent ?
Pour pouvoir ressentir un compliment fait par un humain, il faut soit comprendre le sens laudatif du mot ou ressentir l’émotion positive qui l’accompagne.
Les chiens, par exemple, en sont-ils capables ?
Bien sûr, ils ne partagent pas nos capacités de langage ce qui ne veut pas dire qu’ils y sont totalement étrangers. Ricco avec ses 300 mots puis Chaser avec plus de 1000 mots ont montré que certains chiens (mais pas tous !) sont capables de discriminer des objets et de leur associer un nom et d’avoir un répertoire donc de plusieurs dizaines voire de plusieurs centaines de mots partagés avec leurs propriétaires [1].
Sans aller jusqu’à ces « génies » canins, beaucoup de propriétaires ne peuvent pas prononcer certains mots au risque de provoquer une grande excitation chez leur animal et ils se mettent à l’épeler ce que certains chiens finissent par décoder aussi et bientôt la b-a-2l-e provoque autant de plaisir que la balle.

Qu'est-ce qui peut être décodé par l'animal ?
Mais, bien sûr, c’est plus encore le contexte et le co-texte tout ce qui accompagne la parole et qui renforce son sens qui vont être décodés par l’animal pour attribuer une valence positive aux paroles.
Il est facile de s’amuser de dire à son chien qu’il est très vilain, si le ton est joyeux et les mimiques accompagnant les paroles sont dans la même tonalité, il y a de grandes chances que le chien réponde très gaiement à ce mot négatif.
Il a d’ailleurs été prouvé que les chiens accordent plus d’attention à une communication congruente (quand l’expression du visage et la tonalité vocale sont concordants) qu’à une communication discordante. Les chercheurs pensaient que c’était une capacité réservée aux humains mais les tests ont montré qu’il n’en était rien [2].
Les chiens sont donc équipés pour apprécier un compliment humain qu’ils en comprennent directement le sens grâce à leurs capacités cognitives ou qu’ils ressentent l’intention bienveillante de leur partenaire humain et cela nous en sommes sûrs depuis qu’une équipe hongroise a réussi à habituer des chiens à subir des IRM fonctionnelles en étant réveillés et qu’ils ont ainsi pu montrer qu’une petite partie du cerveau gauche du chien (située à côté de celle dédiée à la reconnaissance des vocalises canines) est dévolue à la reconnaissance de la parole humaine alors qu’une partie du cerveau droit est elle dédié à la reconnaissance de la valence émotionnelle des vocalises canines ou de la parole humaine [3].
D’autres études ont montré qu’un regard échangé en situation d’attachement, en situation positive augmente le taux d’ocytocine chez les deux protagonistes et renforcent le lien [4].
Comme il est rare de complimenter son chien sans le regarder, n’hésitez donc pas à chaudement le féliciter quand il réussit quelque chose, quand il obéit à un ordre ou simplement quand vous éprouvez le plaisir d’être avec lui, vous améliorerez constamment la relation !
Est-ce qu'un langage agressif ou négatif a des conséquences et est-ce que ça peut affecter la relation maitre-animal ?
Faut-il insister sur le fait que le langage agressif est à proscrire ainsi que toute forme de violence physique ?
Aujourd’hui il existe un corpus scientifique important et cohérent qui montre qu’il y a plus de troubles du comportement chez les chiens élevés avec des méthodes coercitives et moins de réussite aux différentes tâches [5].
Malgré un ton négatif un chien va tout de même, par exemple, suivre le pointer du doigt d’un humain même si cela ralentit sa performance [6] et c’est le malheur de cette espèce comme toutes les espèces sociales de répondre aussi à la punition et à la coercition : il aura fallu des siècles pour comprendre qu’il est plus efficace et plus durable d’apprendre en étant récompensé qu’en étant puni.
Quasiment victimes d’un syndrome de Stockholm dans lequel la victime s’attache à son bourreau, beaucoup de chiens punis restent attachés à leur maître tout en devenant profondément anxieux.
Claude Béata décrypte le mythe du chat
Références
- Pilley, J.W. and A.K. Reid, Border collie comprehends object names as verbal referents. Behav Processes, 2011. 86(2): p. 184-95.
- Albuquerque, N., et al., Dogs recognize dog and human emotions. Biol Lett, 2016. 12(1): p. 20150883.
- Andics, A., et al., Voice-sensitive regions in the dog and human brain are revealed by comparative fMRI. Curr Biol, 2014. 24(5): p. 574-8.
- Nagasawa, M., et al., Dog’s gaze at its owner increases owner’s urinary oxytocin during social interaction. Horm Behav, 2009. 55(3): p. 434-41.
- Hiby, E., F., N.J. Rooney, and B. Bradshaw, Dog training methods : their use, effectiveness and interaction with behaviour and welfare. Animal Welfare, 2004. 13: p. 63-69.
- Flom, R. and P. Gartman, Does affective information influence domestic dogs’ (Canis lupus familiaris) point-following behavior? Anim Cogn, 2016. 19(2): p. 317-27.
- Beata, C., La Folie des Chats. 2022, Paris: Odile Jacob. 288 p.
"Je ne sais pas qui, du chien ou du chat aime le plus l'être humain, mais ce qui est certain, c'est que le chien aime plus souvent le chat que certains êtres humains peuvent s'aimer entre eux."
Steeve Chatillon Tweet